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mercredi 12 mars 2014

Oui oui, je vous ai laissé tomber, hier... C'était pour soigner le suspince avant l'épilogue... Parce qu'après, ben... C'est fini...
EPILOGUE
Une quinzaine de jours plus tard.
C'est aujourd'hui que je réintègre mon bureau. Je n'ai finalement aucune séquelle de ma blessure, le toubib m'a donc déclaré apte au service. Psychologiquement, ça roule également. Bien sûr, j'ai quand même un peu flingué mon supérieur jusqu'à ce que mort s'en suive, mais bon. Qui n'en a pas rêvé ? J'ai évidemment eu le droit à mon lot de séances psy et d'évaluations. Apparemment, l'explorateur de moi a été contrarié que je ne ressente aucun remords. Il a parlé de syndrome du justicier solitaire, encore appelé syndrome de Bronson, et déclaré qu'il allait devoir en tenir compte pour rédiger son rapport, et qu'il pensait qu'il me faudrait me résoudre à finir ma carrière dans des services administratifs, pour cause de dangerosité potentielle. Je lui ai expliqué, avec beaucoup de calme et de maîtrise, que s'il me jouait ce tour-là, ma dangerosité chercherait forcément un exutoire, et qu'il ne serait pas bien difficile au mec qui a démasqué le saigneur et son disciple de trouver l'adresse d'un bête psy. Il a fait "heu, oui, bien sûr, d'un autre coté", et il a signé dans la case marquée "apte", lui aussi.

Ça me fait un peu drôle, j'ai l'impression de me retrouver à la rentrée des classes, en primaire. En CM2, pour être précis. Je suis aujourd'hui le plus grand de la cour de récré, puisque aucun commissaire n'a été désigné pour reprendre la place de Fifi. Il paraît que les volontaires ne se bousculent pas…

J'ai payé mon coup à la machine à café, toute ma basse-cour était là, bien contente de me voir revenir. On a plaisanté un quart d'heure, échangé les dernières nouvelles de notre affaire… On aurait bien aimé glisser les déchets sous le tapis, en haut-lieu, mais la ficelle était un peu grosse. Les journaux ont eu droit à toute la vérité, servie sur un plateau et sans langue de bois par un conseiller du ministre de l'intérieur qui avait passé deux heures à la maison à se faire tout expliquer. Du coup, ils ont été tout déçus, les journaleux… Pas même l'ombre des prémices d'un début de parfum de scandale à déterrer. On a quand même eu la une, mais de justesse, et une seule journée. De ce fait, même si j'ai tué le méchant dans la scène finale du duel, vous savez quoi ? Je ne suis pas le héros. Personne ne me reconnait dans la rue, et c'est aussi bien comme ça. La célébrité, il faut commencer quand on est jeune et beau. Sinon, ça ne vaut pas la peine. Je passe devant le bureau vide de Ferricelli. Pas un papier n'y traine. Il est parti sans laisser de trace. Comme je pousse la porte du mien, j'ai la surprise de voir qu'il est habité par un quadragénaire froid dont le front, haut et dégarni, arbore l'inscription "ENA" en lettres de dix centimètres de haut. Énarque, mais nouvelle génération, de ceux qui préfèrent jouer les cow-boys blasés plutôt que les prélats conspirateurs. Il est assis dans mon fauteuil, a posé ses Paraboots sur mon bureau, quand ses aînés auraient plutôt glissé leurs Churchs dessous, et fait mine de se curer des ongles déjà traités par une manucure diplômée prénommée Marie-Chantal. Comme j'entre, il me fait signe de prendre place sur le siège du visiteur, et me tient le petit discours suivant :
-" Mon cher ami, je ne vais pas vous faire perdre votre temps, je suis attendu pour un golf. J'irai donc droit au but, sans m'égarer en circonlocutions verbeuses, en dithyrambes surannées, en diatribes aussi pompeuses qu'inutiles, ou en compliments désuets et redondants. En un mot comme en cent, en mille ou en dix mille, je vous dirais ceci, sans précaution oratoire de quelque sorte que ce soit, droit au cœur, avec le langage qu'il faut parler à un homme tel que vous, un acteur et non un hâbleur, un faiseur, et non un diseur, un praticien du combat contre la vermine, et non un théoricien de salon, dissertant dans les cocktails sur l'évolution prévisible de la délinquance, une coupe de champagne à la main…
- Quoi ?
- J'y viens, j'y viens. Quel impatient vous faites ! Mais vous avez raison, bien sûr. Quand on a, comme vous, frôlé de près la mort, on connaît la fragilité d'être et on aspire à vivre sa vie sans temps mort, à profiter de chaque instant, à goûter le sel de l'existence dans chaque détail de chaque moment… Ah, comme je vous envie…
- D'avoir failli être tué ?
- Oui ! Non ! Non, bien sûr que me faites-vous dire là. Non, je vous envie d'être vivant, et de vous voir proposer cette opportunité unique : devenir commissaire spécial détaché.
- Commissaire ?
- Commissaire ! Avec l'indice, les points de retraite, les primes, et même l'ancienneté dans votre ancien grade de capitaine.
- Spécial ?
- C'est spécial, je vous expliquerai
- et détaché ?
- Ça va avec spécial. En fait, vous devenez commissaire pour le grade, et spécial détaché pour la fonction. C'est super, non ?
- Je ne sais pas encore, monsieur… Monsieur ?
- Excusez-moi, j'ai bêtement omis de me présenter… Je suis Sébastien Alexandre Stéphane Demangeais de la Motte, chargé de mission au ministère de l'intérieur, direction de la Sécurité Sûre et Certaine, sous-direction des Opérations Spéciales, bureau des Opérations Spéciales Détachées, mais vous pouvez m'appeler SAS…
- SAS du bureau des Opérations Spéciales Détachées dont dépendent les commissaires spéciaux détachés, je suppose.
- LE commissaire spécial détaché. Car vous êtes unique, mon cher. Il y en eut un, avant vous, que je n'ai personnellement pas connu, et qui est à la retraite, maintenant. Vous serez le deuxième.
- Si j'accepte.
- Si vous accep… Mais toute autre hypothèse est absolument exclue, sous peine de contrôle fiscal d'une certaine galerie d'art, sans vouloir vous commander.
- Et bien au moins, vous êtes direct !
- Je peux me le permettre, j'ai fait tester ce bureau, il n'y a pas ici de micro ou d'enregistreurs, alors… Votre parole contre la mienne.
- Sans vouloir vous intimider de quelque façon, je vous signale que le dernier fonctionnaire plus gradé qui a tenté de jouer à ça avec moi a fini dans un tiroir de la morgue.
- J'aime beaucoup votre sens de la répartie, mais enfin, pourquoi voulez-vous refuser une offre pareille ?
- Je n'ai jamais dit que je refusais quoi que ce soit. J'ai seulement signalé que je n'avais pas encore accepté. Nuance…"

Bon, je vous la fait courte, vous avez compris l'essentiel. Je dirige dorénavant une unité spéciale, composée de ma petite équipe, qui interviendra sur des affaires sensibles qui me seront confiées directement par SAS. Je ne dépends de personne, et n'ai de compte à rendre qu'à lui et à un vieux juge, le Président de Sagès, qui sera le garant judiciaire de l'opération. Nous allons avoir droit à un nouveau local, plus discret, tout neuf, avec une enseigne commerciale bidon de société de trading international, des voitures de fonction d'un autre standing, des frais de déplacement non plafonnés… Elle est pas belle, la vie ?





mardi 11 mars 2014

ça sent le dénouement, pas vrai ?

Là, vous pensez qu'il est temps que j'intervienne. Je le pense aussi. Comme pour Leclerc, j'ai filmé la scène, ça suffira. Je me manifeste donc :
-" Bon appétit, monsieur le commissaire. Ou bien dois-je dire mon Saigneur ?
- Cette manie de faire sans arrêt de stupides jeux de mots est vraiment détestable, Sénéchal !
- Tant mieux. Plus je vous connais, Ferricelli, et plus j'aime ce que vous détestez !"

Je m'avance doucement dans la lumière. Il est debout derrière la table. Entre nous, la jeune et très belle femme est absolument immobile et ferme les yeux.
-" Comment avez-vous deviné ?" demande l'autre tordu.
-" Deviné ? Ce n'est pas le terme idoine. Étonnant, de la part d'un adepte de la précision tel que vous. Je vous soupçonne depuis longtemps d'être un type pas normal, Ferricelli. Votre attitude face à l'assassinat de la treizième victime de Leclerc, cette façon de trouver qu'il s'agissait d'un beau meurtre, votre indifférence clinique quand on parlait des victimes, tout cela me gênait déjà. Mais c'est la mort de votre femme qui m'a vraiment mis la puce à l'oreille. Elle était le fait d'un copieur, elle a été exécutée sans préparation, pour innocenter Leclerc et brouiller les cartes, par quelqu'un qui connaissait et votre emploi du temps, et les détails les plus sordides des meurtres précédents, même ceux qui ne sont pas sortis dans la presse.
- Leclerc pouvait avoir un complice !
- Lui ! Décidément, vous ne comprenez rien à la nature humaine, Ferricelli. Je n'ai pas eu besoin de passer deux heures avec lui pour comprendre que ce type n'avait pas d'amis, pas de camarades, pas de frères. Il était absolument solitaire, ne vivait que pour lui-même. Un complice, c'était psychologiquement improbable. Du moins de son fait à lui. Vous lui avez imposé votre complicité, contre sa remise en liberté. Tiens, encore une erreur, ça. Cette façon ahurissante que vous avez eue de me rentrer dans le chou parce que je l'avais mis sous surveillance. C'était la meilleure manière d'attirer mon attention.
- Et pourquoi, si vous êtes si malin, ne m'avez-vous pas arrêté plus tôt ?
- Parce que je ne suis justement pas si malin, hélas. Votre façon de protéger Leclerc m'a incité à m'occuper de lui d'abord, avec les résultats que l'on sait. À mon réveil, j'étais loin de penser que vous prendriez sa suite. J'avais imaginé que vous aviez profité de cette histoire pour vous débarrasser d'une épouse encombrante. Je croyais avoir le temps de reprendre tranquillement le meurtre de votre femme à zéro, pour finir par vous coincer à l'ancienne, style Hercule Poirot, Maigret ou Bourrel, vous voyez le genre… Nous avions déjà découvert que, comme par hasard, la caméra numérique qui devait enregistrer votre interrogatoire de Leclerc est bêtement tombée en panne moins de vingt minutes après votre arrivée, ce qui vous a laissé tout le temps de quitter discrètement le commissariat, de rentrer chez vous massacrer votre femme, et de revenir comme si de rien n'était, sans avoir oublié de détruire le portier électrique. Et puis, il y a le fait que Leclerc s'est tenu à carreau jusqu'à ce que vous leviez la filature qu'on avait mise en place. Or il aurait dû ignorer et l'existence de ce dispositif, et sa levée. Comme par hasard, il bouge le soir même, c'est donc que vous l'aviez prévenu, au début, pour qu'il reste tranquille, et à la fin, pour qu'il puisse donner libre cours à ses instincts pervers. Je comptais monter mon petit dossier tranquillement, avec ces éléments là, et d'autres, encore à découvrir. Au lieu de ça, vous allez trucider cette brave madame Tamert, et vous m'obligez à accélérer le processus. C'est d'ailleurs le seul truc que je ne comprends pas, dans cette affaire. La légiste m'a bien confirmé que c'est de son vivant que vous avez torturé, violé, et commencé à découper votre épouse, et non post-mortem. Ne me dites pas que c'est seulement pour faire plus vrai… Puis Dominique Tamert, et maintenant cette jeune femme… J'ai fouillé votre passé. Vous êtes toujours passé pour un sale con arriviste, puant de suffisance et dégoulinant d'ambition, odieux avec ses subalternes et lèche-cul avec ses supérieurs, mais je n'ai jamais trouvé aucune mention de sadisme chez vous… J'aimerais vraiment comprendre, avant de vous arrêter.
- De m'arrêter !  comme vous y allez, mon cher. Vos mains sont vides, votre arme, si tant est que vous en ayez une, est donc dans son holster, sous votre bras. Tout comme la mienne. La chose a un petit parfum de duel final… Ne me sous-estimez pas, Sénéchal. Mon arme ne crache pas des balles de fillette, comme celle de Leclerc. Mais en attendant ce dénouement dramatique, je veux bien vous éclairer sur mes motivations, capitaine Sénéchal. C'est à Leclerc que je dois la découverte de mon être profond. Contrairement à ce que vous pensez, je ne lui ai rien imposé du tout. Dès le début de notre rencontre, alors qu'il était pourtant fatigué par les six heures d'interrogatoire qu'il venait de subir, il m'a reconnu. Il a lu en moi comme dans un livre ouvert, et a su trouver les mots pour me faire percevoir la jouissance suprême qu'il prenait à dominer et à asservir une femme qui savait qu'elle allait mourir de ses mains… J'ai compris en un éclair combien étaient vaines, étriquées, mes pauvres ambitions professionnelles, mesurées à l'aune de cet accomplissement absolu. J'ai programmé l'arrêt de la caméra, et je suis rentré chez moi passer à la phase pratique. C'était encore meilleur, Sénéchal, incommensurablement plus fort que tout ce que j'avais vécu avant, et même que tout ce que j'avais imaginé pouvoir vivre un jour. Je mettais en œuvre des fantasmes que j'aurais celé même à mon confesseur. J'ai fait subir à cette conne qui me pourrissait la vie tous les outrages qui me passaient par la tête, et elle me suppliait, elle me demandait pardon ! Elle ne s'est pas rebellée, Sénéchal, elle ne s'est pas offusquée comme elle le faisait quand je quémandais une petite pipe, qu'immanquablement elle me refusait avec mépris. Elle a plié, a reconnu son maître ! J'étais vengé de toutes ses années de tiédeur, de médiocrité, j'obtenais enfin la reconnaissance que je méritais. Et c'est bon, Sénéchal, si vous saviez combien c'est bon ! Quand on y a goûté, on ne peut plus s'en passer. Regardez cette magnifique jeune femme que j'ai baisée comme un malade pendant deux nuits consécutives. Croyez-vous qu'elle m'aurait fait grâce d'un seul regard, dans le monde qui est le sien. Ici elle me supplie, Sénéchal, elle est ma chose !"
Ses deux mains de maigre dégeulasse se mettent à pétrir le corps offert tandis qu'il me fixe de son regard de dément. Quand il comprend que je vais tirer, il est trop tard. Sa main s'emberlificote dans sa toge avec son énorme pistolet de champion de tir instinctif, et il se tire trois balles dans les jambes pendant que je lui en mets une dans la tête.


lundi 10 mars 2014

Donc, fin du chapitre 20...

Bien qu'en congés maladie pour quelques semaines encore, je décide de reprendre contact avec mes troupes. J'ai une petite idée derrière la tête…



Je vous sens chafouins, là... C'est trop court ? Vous n'avez pas votre dose ? Bon, d'accord, je vous mets le début du 21...

Chapitre 21
On s'en fiche, c'est le dernier !

Il est deux heures du matin, et je me pèle les noix planqué sous ma porte cochère. Je ne perds pas des yeux la porte de service de l'immeuble. Si je ne me suis pas planté, elle ne devrait pas tarder à s'ouvrir. Et ça m'arrangerait bien, parce que j'ai vraiment besoin de bouger. Ça fait maintenant quinze jours que les lieutenants et moi nous relayons à la surveillance de cet immeuble, sans résultat jusqu'à avant-hier. C'était la Belette qui s'y collait cette nuit là. Il était pratiquement six heures du matin et elle allait décrocher, quand elle a eu la surprise de voir notre suspect revenir chez lui, alors que nous ne l'avions pas vu quitter l'immeuble. La nuit dernière, rebelote. Nous avons mis les vioques sur le coup, et le Dermédard a justifié son surnom, en nous dégottant les plans du pâté d'immeubles. C'est comme ça que nous avons découvert que celui de notre suspect communique par les parties communes avec un autre bâtiment qui fait l'angle entre une parallèle et une perpendiculaire à la rue que nous surveillions. Immeuble dont je scrute justement la porte de service. Qui s'ouvre. Il sort. Je reconnais aussitôt sa silhouette particulière. Il marche vite, à grandes enjambées toniques mais silencieuses, et m'entraine sans s'en douter, du moins je l'espère, vers le lieu où il a passé les deux dernières nuits à torturer sa dernière victime. Je m'en veux terriblement de n'avoir pu intervenir plus tôt. Cette histoire de passage discret entre les immeubles nous coûte cher. Mais je suis sûr qu'elle est encore en vie, sinon le corps aurait été retrouvé aujourd'hui, question de publicité personnelle. Ce soir, je n'ai pas le droit de le perdre. Nous avons marché une dizaine de minutes quand il s'arrête brusquement. Je n'ai que le temps de me jeter dans une encoignure. Il scrute attentivement la nuit qui l'entoure, et, apparemment satisfait de son examen, sort de son manteau une sorte de levier métallique, à l'aide duquel il soulève et fait glisser la grosse plaque circulaire qui condamne un regard d'égout. Il disparait dans le trottoir, et referme la plaque au-dessus de lui. J'ai l'air fin. Comment vais-je pouvoir manœuvrer cette masse sans outils ? Mac Gyver, au secours… J'avise une vieille deuche bleue, garée juste à côté de moi. Une modèle de base, dont la capote s'ouvre de l'extérieur, ce que je fais immédiatement pour glisser mon bras dans le coffre et en extraire une manivelle. Merci Mac. Sans bruit, je réussis à faire glisser la plaque qui s'avère moins lourde que prévu. Tant pis, je ne prends pas la peine de la refermer, j'ai déjà perdu trop de temps. Pour ce qu'il passe de monde dans la rue à cette heure-ci, de toute façon. Je descend les degrés d'une échelle d'égoutier rouillée, en tendant l'oreille. Arrivé en bas, je constate avec surprise que le sol est sec. Je ne vais pas m'en plaindre. J'allume ma lampe de poche à leds, et découvre dans son halo que je ne suis pas dans les égouts, mais dans les catacombes. Bonjour l'ambiance. Au bruit ténu que font ses pas, je réussis à déterminer de quel côté s'est dirigé mon tueur. J'avance aussi vite que possible tout en veillant à rester silencieux, et en éclairant seulement le sol à deux mètres devant moi, pour que la lumière ne me trahisse pas. Devant moi, le bruit des pas a cessé. J'éteins la lampe, tout en continuant d'avancer lentement. Un faible halo lumineux m'indique que le couloir décrit un angle vers la droite, à une cinquantaine de mètres. J'avance toujours sans bruit jusqu'à ce coude, qui marque en fait la fin du tunnel d'accès et débouche dans une vaste salle circulaire, tapissée de cranes et d'ossements. Quatre projecteurs de chantier, branchés je ne sais où, concentrent deux mille watts de lumière blanche sur le corps nu d'une jeune femme allongée sur une table de bois, les bras et les jambes liés aux quatre pieds du meubles. Ses yeux sont ouverts. Elle semble consciente, mais, en même temps, elle demeure immobile. Le salopard lui fait face. Il a enfilé une espèce de grande toge et s'est coiffé d'une cagoule qui lui donne l'air d'un de ces tordus du Ku Klux Klan. Il s'approche de sa victime avec une seringue, avec laquelle il lui injecte un produit dans le bras. La fille réagit presque aussitôt. Elle tressaille, puis le fixe d'un regard paniqué et se met à hurler. Il lui enfonce un bâillon dans la bouche, ce qui la fait bien évidemment taire, et permet de distinguer son rire à lui. Un tout petit rire, étouffé, qui grince et fait dresser les poils sur la tête. Puis il se met à parler :
-" Bonsoir ma toute belle… Encore une nuit d'amour en perspective… Tu sais, tu n'as pas de chance, mais je ne me lasse pas de posséder ton corps. Une autre serait déjà morte… Voyons… Comment vais-je te consommer, ce soir. Tiens, consommer. Voilà qui me donne une idée… Et si je te mangeais ?"

dimanche 9 mars 2014

Coucou me revoilou... Quand le 20 est titré, il faut... Le lire ;-)

Chapitre 20
Comment voulez-vous que je sache ?

Un chien me lèche le visage. Ce doit être un gros chien, parce qu'il a une putain de langue qui sent l'éponge sale. Puis le chien me parle. C'est drôle, il a la voix de Romagne. Faudrait que quelqu'un rallume, parce que j'aimerais bien voir la gueule d'un chien avec une langue en éponge et la voix de Romagne, moi. Mais tout reste noir.

Je me réveille dans un lit, mais c'est bizarre, parce que j'ai un truc sur le corps, or je dors à poil, rapport à ma claustrophobie. Je ne supporte pas l'idée d'être entortillé dans quoique ce soit. Et justement, ce truc autour de moi me serre et me coince les…
-" Mais arrêtez de vous agiter comme ça ! Vous faites sauter les pansements !
- Allumez la lumière, merde !
- On ne dit pas merde, mais s'il vous plaît."

Bon, c'est clair, je suis dans un hosto. Il n'y a qu'une infirmière pour parler à un quasi quinquagénaire comme s'il était débile ou qu'il avait cinq ans. Mais déjà, elle poursuit :
-" D'ailleurs, elle est déjà allumée, la lumière. si vous êtes dans le noir, c'est à cause des pansements que vous avez autour de la tête. Si vous êtes bien sage, le docteur a promis de vous les enlever demain."

Un seul truc me retient de lui décrire par le menu ma conception de la sagesse à pratiquer avec une infirmière : c'est l'idée que Maud pourrait être dans la pièce. C'est chiant, d'être aveugle ! Tiens, puisque c'est comme ça, je me rendors !

On m'a assis dans mon lit, et on triture ma caboche en me parlant gentiment. Ce n'est pas l'infirmière de la dernière fois, c'est un homme. Et la lumière fut !

Dans la journée, j'ai le droit à une litanie de visites qui m'enchantent et qui m'épuisent. J'ai le tonus d'un canari anémique. Maud est tendrement maternelle, et, pour une fois, elle n'en fait pas trop. Donc j'ai été salement touché. Puis mes lieutenants, en délégation, commencent par m'annoncer qu'ils n'ont pas encore révélé à Fifi que j'étais réveillé. Ensuite, ils me font un rapide résumé de ces quinze derniers jours. Quinze ! Nous sommes donc mardi, deux semaines et un jour après que François Leclerc m'ait collé un pruneau dans la tête (cette précision pour compléter le titre du chapitre). J'apprends ainsi que c'est Romagne qui m'a récupéré, parce que quand j'ai composé le numéro abrégé de Maud, et qu'elle n'a rien entendu à l'autre bout du sans fil, elle s'est souvenue que je gardais les numéros de portable des collègues dans un agenda, dans le tiroir de ma table de nuit, et elle a ainsi pu le prévenir. Comme mon mobile émettait toujours, il a fait faire un repérage GPS, et il est arrivé aussi vite que possible pour organiser les secours et délivrer la miss Tamert qui commençait à être sérieusement courbatue. On m'explique encore qu'entre Leclerc et moi, il y a eu match nul, à ceci près que mon Police Constrictor crache du 10.72 à charge molle, peu précis, mais capable d'arrêter un éléphant en colère, alors que cette tafiole utilisait un Deranger à deux coups, une arme d'une grande précision dont les projectiles de 5.385 ne font heureusement que des trous de balles de pucelle anorexique. Comme quoi, c'est toujours la même rengaine : un bricoleur, même doué, ne peut rien contre un professionnel bien équipé. La preuve, lui est mort, et c'est à ses empreintes qu'on l'a identifié, si vous voyez ce que je veux dire, et moi, je vais globalement bien, le pronostic vital n'est plus engagé, même si j'ai quand même eu la matière grise labourée par un morceau de métal, sans compter les dégâts que les chirurgiens ont pu provoquer pour récupérer ce petit bijou, et j'aurais une cicatrice grosse comme une brulure de cigarette sur le front. Il faut quand même que je m'attende, a minima, à une longue période de convalescence. Là, je les sens gênés, mes gaziers… Et quand j'insiste, ils se mettent à regarder qui le plafond, qui ses chaussures ce qui finit par me faire flipper. J'actionne avec vigueur la sonnette dont est dotée ma tête de lit, et le toubib se radine quelques minutes plus tard pour m'informer qu'il est vraisemblable, pour ne pas dire probable, voire certain, que j'aurais des séquelles. Sauf qu'il est incapable d'en préciser la forme ou la gravité. Certaines de mes capacités seront sans doute altérées, mais seul le temps dira lesquelles. J'ai déjà beaucoup de chance d'être vivant, et de ne pas avoir perdu la vue, ni l'ouïe, ni l'odorat (ça sent l'hosto), ni le toucher. Pour le goût, on attendra la tortore de midi. En tout état de cause, je suis bon pour un long arrêt de travail. Et les bonnes nouvelles ? On attend que je sorte de l'hosto pour me remettre la médaille d'or du mérite citoyen de la préfecture de police avec palmes et tuba, au motif que je suis responsable de la disparition de notre Saigneur. Youpiiie. Fifi a largement profité de mon absence pour occuper la une des journaux, sans même se faire accompagner de la Belette, because même plus besoin. Tant mieux pour lui, pour ce que j'en ai à faire. Pour moi, le laurier est une plante aromatique, alors…

Une semaine plus tard, je suis de retour au bercail. Maud a demandé à une copine (la nouvelle maîtresse d'un de ses ex…) de lui donner un coup de main à la galerie, ce qui lui permet de dégager du temps pour s'occuper de moi. C'est pas que j'en ai besoin, notez, mais ce serait stupide de le lui dire. C'est si agréable de se faire chouchouter un peu. Le seul hic, c'est qu'elle m'estime encore trop faible pour le tagada. Et comme la chose me manque, je m'applique bien à faire tous mes exercices de rééducation, à prendre tous mes médicaments, et à suivre mon régime, parce que cet empaffé de toubib a profité de mon coma pour me trouver du cholestérol et des triglycérides. Je vous signale, en passant, que mon sens du goût va très bien, et me permet de confirmer que la bouffe hypocalorique, hypolipidique, hypoglucidique, et tout juste équiprotéïque, avec beaucoup de fibres, c'est pas bon. Vous vous doutez bien qu'au bout de huit jours de ce régime, je bous ! Et voilà-t-y pas que ce matin, le journal que je lis en prenant mon absence de petit dèj titre : "Le Saigneur est de retour !"

Je saute immédiatement en page 2. La photo me laisse une désagréable impression de déjà vu. La maison dans laquelle on a retrouvé le corps est le pavillon témoin d'un petit lotissement sis sur la commune de Pinard sur Lie. La victime se nomme Dominique Tamert, quarante neuf ans. Elle était la promotrice de cette petite opération immobilière réalisée sur un terrain de famille, et vivait seule sur le domaine depuis la paralysie du chantier par un mouvement revendicatif des salariés de l'entreprise générale de bâtiment titulaire du marché des travaux. Étrange, mais ça me rappelle quelque chose… Elle a subi quarante-huit heures de tortures et de violences diverses perpétrées essentiellement avec des cordes, et a fini étouffée après avoir été saucissonnée très serré avec un lien en cuir détrempé qui s'est rétracté en séchant. Je n'aurais finalement accordé à cette pauvre femme que trois semaines de vie supplémentaires. Le coup est rude à digérer. Le copieur a décidé de remettre le couvert en reprenant la série là où elle a été fatale à son modèle. Mais ce nouveau tueur est différent du premier, qui faisait tout pour passer inaperçu. Chez son héritier, si l'on retrouve le même sadisme absolu, il est ici mâtiné de vanité et de recherche de reconnaissance. Le meurtre de la femme du commissaire Ferricelli était clairement un défi lancé aux forces de police, et singulièrement à notre brigade. Le tueur était certain, avec lui, d'obtenir la une des journaux. Cette agression-ci relève de la même volonté. Je mettrais ma main au cul de Paris Hilton que nous l'aurons beaucoup plus rapidement, celui-ci. Après tout, si François Leclerc a pu faire treize victimes avant d'être mis hors d'état de nuire, c'est uniquement parce que personne, avant Ferricelli, ne s'était rendu compte qu'il s'agissait d'une série. Dès qu'on l'a cherché, on l'a trouvé. Toutes ses victimes sont antérieures au début de notre intervention, à l'exception de la Belette et de madame Tamert, qui lui ont échappé, au moins un temps, grâce à notre action. Dans le cas présent, nous sommes prévenus. La course contre la montre est engagée.


jeudi 6 mars 2014

Comme je pars jusqu'à dimanche, je vous mets le 19 en entier. Ne le mangez pas trop vite...

Chapitre 19
Le lundi suivant
Rien depuis mercredi dernier. Les journaux s'en donnent à cœur joie et glosent à qui mieux mieux sur l'inefficacité de la police. La filature pourtant discrète de Leclerc ne donne rien. Le type reste cloîtré chez lui. Il ne sort que pour faire ses courses. Il a mis sa maison en vente chez les notaires du coin. Sans doute que sa popularité récente ne sied pas à son genre de beauté… Personne n'a pris contact avec lui. La surveillance informatique qu'exerce Migaud, qui se révèle très efficace derrière un clavier, ne donne rien non plus. Leclerc a résilié ses abonnements.

C'est au cœur de ce marasme que Fifi décide de faire son retour chez nous. Il se pointe en milieu de matinée, strict costume gris, chemise blanche, cravate noire, plus lugubre encore que d'habitude dans ses habits de veuf que sa trogne pourtant n'arrive pas à laisser croire inconsolable. Il aboie "Sénéchal, dans mon bureau" avant même d'avoir dit bonjour à qui que ce soit. Bon. Quand faut y aller… C'est aussi pour ça qu'on me paye… Tout ça tout ça… J'y vais.

-" Bonjour Patron…
- Commissaire ! Monsieur le commissaire, même. Finie la rigolade, capitaine. Je vais reprendre en main cette brigade, et nous aurons rapidement des résultats. J'ai l'impression que l'on s'est beaucoup relâché, pendant mon absence !"

Un jeune subalterne pourrait s'émouvoir en prenant dans la gueule ce genre d'inepties. Mais sur un vieux de la vieille comme moi, ça glisse comme Marie-Pierre Casey sur une table de salle à manger avec Plizz. Une petite contracture des trapèzes, quand même. Je hais ce type !

Il s'est assis derrière son bureau, et, d'un geste bref du menton, m'a désigné le siège visiteur. Je m'assieds. Le nez sur l'écran de son ordinateur portable qu'il vient de mettre sous tension, il continue de staccater comme une Thompson des années trente :
-" J'attends que vous me fassiez un récit circonstancié de tout ce qui s'est passé pendant ma semaine de deuil."

Donc je. Comme je ne suis pas un tireur à la ligne, et que vous étiez là pendant qu'il versait ses larmes de crocodile en Corse, je vous fais grâce de mon résumé. Soyez simplement persuadés qu'il était complet, concis, et circonstancié puisque c'était demandé. L'exercice me prend quand même près de dix minutes, pendant lesquelles il ne m'interrompt pas une fois. Si je change de débit, pour tester son attention, son sourcil se lève aussitôt. Donc, je ne sais pas s'il m'entend, mais au moins il m'écoute… À moins que ce ne soit le contraire. Sans pour autant cesser de jouer avec sa bécane.

J'ai terminé. J'attends. Il tapote encore quelques secondes sur son clavier, puis lève la tête vers moi. Je n'aime pas du tout le sourire qu'il arbore. Mais alors, pas du tout. Et je n'ai pas tort.
-" Pouvez-vous me dire au nom de quoi vous avez jugé bon d'organiser une coûteuse filature du sieur Leclerc, François, alors que j'avais ordonné qu'il soit libéré ?
- Mais… Il l'a été, libéré, seulement, jusqu'à preuve du contraire, il reste suspect.
- L'assassinat de mon épouse n'est pas suffisant, comme preuve du contraire ?
- Rien ne prouve qu'il ne soit pas complice.
- Vous vous fichez ouvertement de ma gueule, Sénéchal. Je vous demande de laisser tomber cette piste pourrie, et de concentrer tous les moyens pour retrouver le salaud qui a torturé et assassiné ma femme, et vous, vous vous accrochez à l'idée débile que cet être insignifiant puisse être un tueur comme un naufragé à une planche ! Je pense que c'est parce que vous n'avez rien d'autre à vous mettre sous la dent, Sénéchal, voilà ce que je pense ! Je pense que les journaux n'ont pas tort de mettre en exergue votre totale absence d'efficacité, sur ce coup-là. Je pense que, sous vos dehors de vieux flic de terrain blanchi sous le harnais, vous ne valez pas un kopeck comme enquêteur criminel. En conséquence, je vous retire cette enquête, que je dirigerai moi-même. Une dernière chose. Je viens de lever les mesures prises à l'encontre de Leclerc. C'est tout."

Sur le "c'est tout", son regard a quitté le mien pour regagner son port d'attache, le bon dieu de fichu écran de son putain d'ordinateur. Pour lui, je n'existe plus. Mon compte a été réglé. Je pourrai dire n'importe quoi, ça ne changerait rien. Je vais quand même dire quelque chose.

-" Très bien. Et bien je vous laisse entre les mains du Saigneur, à moins que ce ne soit le contraire. Il me reste quelques jours de vacances, de récup et de RTT. Je pense que je vais aller à la pêche. Je vous souhaite bonne chasse, monsieur le commissaire."

Il n'a même pas levé la tête. J'ai déjà dit que je le haïssais, non ? J'aurais dû attendre un peu, parce que je suis un peu à court de vocabulaire, pour exprimer le fond de ma pensée. Je passe par la tanière raconter la scène à mes troupes, et leur conseiller de la mettre en veilleuse jusqu'à ce que le vent tourne. Puis je me carapate. D'après mes calculs, il me reste une quinzaine de jours à prendre. Je passe par le bureau de l'administration générale, au rez-de-chaussée, pour remplir comme il faut les papiers nécessaires, je fais tamponner, j'imite sans vergogne la signature de Fifi, qui ne sait même pas qu'il faut viser les formulaires de demande de congés de ses subalternes, vu que déjà sous le Vieux, c'est moi qui m'y collais, et qu'il est des habitudes qu'il ne faut pas perdre, et je me retrouve dans la rue avec un sentiment mélangé. Je me sens libre de respirer à nouveau, tandis que s'évanouit ma colère, et, dans le même temps, j'ai honte d'abandonner le navire alors que la situation est tout sauf brillante. Mais quoi ? Je ne peux tout de même pas… Et pourquoi pas, après tout ?

Le soir même, après être passé à la galerie expliquer deux trois trucs à Maud, je prends la route de Bourgmoye les Esgourdes. Ben quoi, je fais ce que je veux de mes vacances, pas vrai ? Si ça m'amuse de filocher un mec, tant qu'il ne me voit pas, personne n'a le droit de se plaindre, si ? Comment ça, je ne respecte pas la loi ? Mais n'importe qui peut suivre n'importe qui, ce n'est pas interdit, tant que cette filature s'exerce dans des lieux qui relèvent du domaine public, ou dont l'accès est libre. Et pourquoi je le fais ? Parce que j'ai du flair, et que mon naze me dit que Leclerc ne l'est pas, clair.  Donc je me tape la nationale, puis les départementales, jusqu'à cette petite sous-préfecture de Sèvre et Meuse dans laquelle j'arrive juste à la nuit tombée. J'ai préféré prendre ma vieille BMW. Après tout, depuis l'engueulade de Fifi, j'en fais une affaire personnelle. Donc J'ai laissé la Peugeot de service à Paris, et pris ma voiture personnelle. J'ai laissé mon Barrate à piston de service dans le tiroir de mon bureau et chargé mon arme personnelle, un Police Constrictor à nez court, mais j'ai oublié de laisser ma plaque de police de service à la maison, parce qu'on ne sait jamais, ça peut quand même servir, vu que je n'ai pas de plaque de police personnelle. Mon GPS me conduit directement à la maison du suspect. Sisisi, pour moi, il reste suspect. C'est comme ça. Je planque la voiture à deux rues de son pavillon, et j'attends qu'il fasse bien noir pour me lancer dans un repérage des lieux. C'est l'avantage de ces petits bourgs de province, l'éclairage public se concentre sur le centre ville et quelques quartiers neufs. La baraque de Leclerc est juste entre les deux. Comme je suis nyctalope, à la différence de Joey Starr qui est nique ta mère, l'obscurité est plutôt une bonne copine pour moi. Le pavillon de Leclerc est un parallélépipède rectangle ordinaire d'un étage plus combles aménageables, chapeauté d'un toit de tuile à double pente, planté au centre d'un terrain grossièrement carré. Quelques arbres d'ornement, trois ou quatre buissons à fleurs et une pelouse ou vaquent une paire de nains moussus en constituent l'environnement. Ce jardin, c'est tout son portrait, au gars Leclerc. Banal. Une fenêtre est éclairée. Je m'approche dans l'ombre jusqu'au mur du pavillon, et je jette un œil discret dans la pièce, pour tomber sur un type très occupé à préparer un gros sac de voyage polochon en simili cuir. Mon François se prépare à partir en voyage. Juste quand on a levé la filoche… Encore une coïncidence ?
Il n'y a pas de garage dans cette baraque, et pas de voiture parquée sur le terrain ni dans la rue devant la maison. Je me souviens que, dans le dossier, il était précisé qu'il ne possédait pas de véhicule personnel… Il doit attendre un taxi. Je me dépêche de filer récupérer ma voiture, afin d'être prêt à toute éventualité.

Je me suis à peine garé en vue du pavillon que le taxi pointe son museau de monospace. Leclerc y embarque illico, et nous démarrons souplement, moi derrière, moi derrière, et nous démarrons souplement, moi derrière et eux, devant ! Tiens, on passe du Brassens à la radio. Je roule à la limite de les perdre, et sans feux. Nous avons pris la route de Châtres les Gonzesses, la préfecture du département. Le taxi y dépose Leclerc à la gare. Je parque la voiture à proximité, attrape le baise en ville toujours prêt dans mon coffre, et m'engouffre dans la gare à sa suite. Je n'ai que le temps de me jeter derrière un automate de billetterie pour éviter de lui rentrer dedans alors qu'il se dirige vers la sortie du bâtiment, accompagné d'un employé vêtu le l'élégant costume de feutrine verte de la société de location de véhicules Ohm. Je suis certain qu'il ne m'a pas vu. Faut dire qu'en jean, baskets et blouson de daim, je ne ressemble pas au flic en costume qui l'a interrogé. Le temps de ressortir par une porte latérale, de me jeter dans la BM, et la poursuite reprend. Il a loué une Mégane grise, toujours fidèle à ses principes de banalité revendiquée. Avec le pognon qu'il trimballe, il pourrait rouler en Rolls, en Mercédès, en Ferrari, et il choisit une Mégane ! Bon, au moins, je suis sûr qu'il ne me sèmera pas à la course. Nous pérégrinons de conserve une centaine de bornes, jusqu'à Pinard sur Lie, où il range sa voiture devant un petit hôtel une étoile, mais NN quand même. Il descend, prend le soin d'extraire son sac du coffre, et pénètre dans l'établissement. M'est avis que je suis bon pour une nuit de planque dans la voiture. Youppie. Demain, je vais avoir une tronche de clodo. Tu parles de vacances ! J'organise le tour de garde. Mon œil gauche prend le premier quart, mon œil droit le relèvera dans deux heures, et ainsi de suite. C'est un peu fin à attraper, mais quand on a pris l'habitude de ne dormir que d'un œil, ça fonctionne très bien. La preuve, l'œil gauche vient à peine de passer le relais que le droit nous réveille tous les trois. Un petit bonhomme tout vêtu de noir vient de sortir de l'hôtel, et part à pied dans la nuit. J'hésite : suivre pédibus, et me retrouver comme un gland s'il a planqué un autre véhicule quelque part, ou automobilus et risquer de me trouver coincé s'il suit des chemins de traverse ? Je parie qu'il a manqué de temps de préparation, j'opte pour le pédibus. Et je fais bien. Avouez que je ne me suis pas beaucoup planté, pour l'instant. Oui, je sais, c'est de la déformation professionnelle. J'adore faire avouer. Mais chut. Nous marchons depuis moins de dix minutes, ce qui a suffi pour nous amener aux confins du bled, dans un lotissement dont la plupart des baraques sont encore en construction. À la lueur de la lune, j'avise une grande banderole, qui indique que les travaux ne reprendront pas tant que les justes revendications des travailleurs exploités par le patronat, etc, etc. François Leclerc est certain de ne pas être dérangé d'ici la fin de la semaine. Et j'en déduis qu'une des maisons, au moins, doit être habitée, et sans doute par une femme seule. Je continue à jouer les ombres derrière un suspect qui fait tout pour changer de statut et devenir un vrai beau coupable. Au fond du lotissement, une maison paraît terminée. C'est le pavillon témoin. Je ne pensais pas que quelqu'un habitait ces machins-là. Tandis que Leclerc s'escrime silencieusement à ouvrir la porte d'entrée, je détaille le panneau de promotion immobilière. Le lotisseur bâtisseur local est une femme, et le slogan indique qu'elle a choisi d'être la première à habiter sur place… La victime du jour se nomme donc Dominique Tamert… Mais il ne faut pas que je traine, car Leclerc a pénétré dans la baraque. Fort heureusement, comme tout cambrioleur qui se respecte, il n'a pas refermé à clé derrière lui. Je me glisse donc dans le pavillon à sa suite. La chambre n'est pas difficile à trouver, le plafonnier est déjà allumé, et la porte grande ouverte lui permet d'éclairer une partie du couloir. Le sol de moquette épaisse est mon allié, et me permet d'arriver sans bruit jusqu'au seuil de la pièce. Un Leclerc cagoulé à posé son grand sac à terre, et manipule une femme inconsciente. Il a déjà du lui faire une injection de concentré de sommeil. Je sors mon téléphone portable et commence à filmer. J'ai le droit au déshabillage complet de la dame, ce qui me permet de préciser qu'elle porte avec fermeté une petite cinquantaine d'années qui a alourdi ses appâts sans rien ôter à son charme. Le monsieur est dans un délire bondage, ce soir. Il extrait des kilomètres de corde de son sac et commence à ficeler la dame dans une position très inconfortable, pour elle, mais très pratique pour un violeur, il faut le reconnaître. Je filme toujours. Vous vous demandez pourquoi je n'interviens pas. C'est que je veux avoir le maximum de preuves, voyez-vous. Et puis, le spectacle… Non, je déconne. Rassurez-vous, la dame ne souffre pas, puisqu'elle est inconsciente. J'aimerais juste assister à l'injection destinée à la réveiller, et au début de la tentative de viol, et là, promis, je l'arrête. D'ailleurs, ça ne devrait plus tarder, il vient de terminer son saucissonnage. Il prend une petite trousse dans son sac, en extrait une seringue, et fait une intraveineuse à la victime, qui revient très rapidement à elle. Bon, il est certain que son bâillon ne l'aide pas à exprimer clairement ses sentiments, mais ses yeux sont très expressifs. Ce que je n'avais pas prévu, c'est qu'ils se fixent sur moi, en train de tout filmer… Ce que Leclerc voit immédiatement, lui. Il plonge vers son sac tandis que je lâche mon téléphone caméra, et nous faisons feu en même temps. Pur tir réflexe, je lui ai explosé la tête. J'ai ensuite juste le temps de récupérer mon téléphone, et de faire le 2 sur le clavier, puis quelqu'un coupe le courant.


mardi 4 mars 2014

Fin du 18...

De la lecture des deux rapports, il appert… J'aime bien ce verbe, moi, pas vous ? Infinitif : apparoir. Enregistrez-le ça peut vous permettre de briller en société, un jour… Il appert donc, disais-je, que le modus operandi de notre tueur est globalement respecté : Tortures, viols multiples, assassinat. Pas de traces ni d'empreintes. La porte de l'appartement n'a pas été forcée. Tout semble bien indiquer que nous avons affaire à notre saigneur. Sauf que… Quelques points de détails me gênent. J'en dresse la liste pour tout le monde :
-" premièrement, le digicode a été brisé violemment, et gratuitement, car sa destruction n'a pu provoquer l'ouverture de la porte. Voilà qui ne ressemble pas à notre méticuleux ennemi."
Romagne  tente une hypothèse :
-" Il lui fallait aller vite, cette fois-ci, il a peut-être détruit l'appareil pour pouvoir demander à l'un des occupants de l'immeuble, arrivant avec une clé de l'extérieur, de le faire entrer, en prétextant l'impossibilité matérielle de prévenir son hôte.
- C'est pas idiot, Rital, pas idiot du tout. Mais alors la question est : pourquoi est-il pressé ?
- Tiens, c'est vrai, ça, pourquoi ?" s'étonne la Belette. "Il n'avait aucun besoin de frapper si vite après m'avoir ratée. Au contraire, même, il aurait eu intérêt à prendre son temps.
- Sauf s'il voulait que ce meurtre ait lieu pendant la garde à vue de Leclerc, juste histoire de l'innocenter…"
Ma petite hypothèse jette un froid. Je les laisse cogiter une minute et j’enchaîne :
-" autre différence, la durée du bal des vampires. D'après la légiste, la séance a duré deux heures seulement. Ce qui n'est pas dans ses habitudes.
- Peut-être que la jeune madame Ferricelli n'a pas pu résister plus longtemps, son cœur…
- Hélas non, Mathilde. Elle est morte saignée comme un goret.
- Même hypothèse que pour le premier élément, cap'taine," expose Médard Lamousson posément. " Pris par le temps, il voulait dégager le plancher avant le retour du commissaire.
- Oui, c'est aussi ce que je pense, et ça renforce l'idée qu'il fallait que le meurtre ait lieu ce jour là, malgré les distorsions que cela entraînait dans son mode opératoire. J'ajoute que ça signifie aussi qu'il savait que le commissaire serait absent toute la nuit.
- Ça, c'était pas très difficile à deviner, capitaine," intervient le Rital. "On sait que notre saigneur prépare soigneusement ses coups en observant le comportement de ses victimes et de leur entourage. Il a du comprendre très vite que le boss passe une bonne partie de ses nuits au bureau, alors là, avec un suspect sur le grill…
- Admettons, ça n'en reste pas moins louche. Troisième point : l'absence totale d'imagination. Le meurtre de madame Ferricelli, au délire vaudou près, est assez sensiblement le même que l'affaire qui a entraîné toutes nos recherches. Mêmes tortures, en concentré, mêmes viols, il a même commencé à la découper en morceau, sauf qu'il s'est arrêté aux phalanges des mains.
- Peut-être encore pris par le temps… tente la Belette, sans grande conviction.
- Peut-être en effet, Isabelle, mais ce n'est pas tant le fait qu'il ne soit pas allé au bout de son découpage, qui me gêne, c'est plutôt l'impression qu'il a maladroitement tenté de copier le meurtre précédent, alors que, dans le passé, il créait chaque fois une situation nouvelle. Plus on avance, et plus je crois que le meurtre de madame Ferricelli n'est pas imputable au même tueur, mais plutôt soit à un copieur, soit à un complice de Leclerc qui cherchait à l'innocenter. Et la précipitation dont il a fait preuve m'incite à considérer la seconde hypothèse comme la plus probable.
- Je ne suis pas d'accord avec vous, patron… Euh, capitaine !" intervient de nouveau le Rital. À mon avis, le même tueur, vexé d'avoir manqué Isabelle alors qu'elle l'avait nargué, a pu vouloir se venger de la brigade en frappant à la tête le plus rapidement possible, histoire de nous démontrer qu'il est toujours le maître du jeu. C'est assez dans les manières de ce genre de tordus, non ?
- C'est une possibilité qui n'est pas à négliger, en effet. Même si le strict respect de leurs habitudes est une sorte de fierté et de signature pour eux…
- Ben moi, je suis sûre que c'est le capitaine qui a raison. Parce qu'il y a un autre élément, dans ces paperasses, que vous avez tous pris pour un point commun, alors, que c'est au contraire une différence !"
Sur ce coup là, la Belette parait tourner au triphasé. On s'attend presque à lui voir sortir des étincelles de la bouche.
-" Nous t'écoutons, Isabelle, qu'avons-nous manqué ?
- Les viols !
- Ben, elle a été violée, sodomisée et a sans doute subi une fellation, mais ce n'est pas la seule…
- Non, sauf qu'elle a subi ça en deux heures. Or je sais bien, moi, que le tueur ne peut se retenir plus de cinq minutes, tant son excitation est grande, et qu'il est tout aussi incapable de remettre le couvert dans les deux heures. Ce n'est pas le même mec qui nous a violées, cette pauvre femme et moi, j'en mettrais mon cul sur une plaque électrique !"


Je ne sais pas pourquoi elle ferait ça, mais si nous étions seuls, je l'embrasserais.
Ce livre étant d'une implacable logique, après le 17, voici le 18...
Chapitre 18
Mercredi

Ce mercredi matin est un remake de l'après-midi d'hier, en pire, comme si le noyau de pêche avait grossi ! Nous dévalisons la machine à café et tournons en rond dans nos bureaux sans trouver une idée originale à développer. On s'est bien amusé un moment, à lire les supputations des journalistes, qui sont allés jusqu'à exhumer d'anciennes affaires, comme celle de Gilles-Hervé de Toupetitéton, qui étouffait des vieilles dames en les peignant de la tête au pied avec de la laque d'une célèbre marque dont je suis contraint de taire le nom. Il agissait ainsi pour se venger car il estimait avoir été spolié lors de la succession. On nous ressort aussi l'affaire de l'Etourdisseur, qui tuait ses victimes d'un coup de marteau de maçon en plein front car il trouvait injuste d'avoir été réformé des abattoirs au motif qu'il souffrait de rhumatismes des poignets. Mais bon, on se lasse quand même assez vite de lire ce genre de prose, dont la qualité reste très perfectible. On a bien fait un concours pour savoir celui qui trouverait le plus de fautes d'orthographe dans les articles en question, mais l'Encyclope nous a mis une telle pilée que ça n'était même plus drôle. On tue le temps mais lentement, avec sadisme, jusqu'à l'heure de sa taper la cloche. Quand la grande aiguille monte enfin la petite en levrette, le bout du nez collé sur le douze, nous filons à la cantoche tous les six. Le patron nous voit rarement débouler comme ça. En général, il en manque au moins trois ou quatre, retenus pas une affaire quelconque. Du coup, il se sent obligé d'offrir l'apéro. Ce n'est pas grand-chose, mais ça met un peu de soleil dans cette foutue journée.

Je ne la connaissais pas vraiment, la môme à Fifi. Juste vue deux ou trois fois, passant au bureau dire bonjour à son homme, qui ne s'est jamais soucié de nous la présenter. C'était une grande jeune femme mince et effacée. Autour de notre pastis gratos, on se met à parler d'elle, forcément. Ce sont les vioques, au courant des moindres potins, qui nous en apprennent un peu plus. Leur histoire, c'est celle d'un amour d'adolescents, la rencontre d'une princesse et d'un preux chevalier de dix-sept ans tous les deux. Dix ans plus tard, le chevalier a travaillé à se rapprocher de la cour du roi, et la princesse s'est retrouvée seule à filer la laine dans son appart' du troisième droite. Fifi n'aimait pas la trainer derrière lui, car il la trouvait empruntée en société, et l'ambitieux estimait que cette réserve pouvait lui nuire. D'après le Dermédard, la jeune femme devait souvent avoir mal aux cervicales, compte tenu de nombre de paires de cornes qu'elle trimbalait. Pauvre gamine. Elle aura aligné les salauds, dans sa trop courte existence. On tortore tranquille, en devisant sans but sur les choses de la vie, la santé, les maladies, la politique, le sport, le temps qu'il fait, celui qu'il devrait faire, celui qu'il faisait avant, et celui que nous réservent les prochaines années. On apprend que Jean-Pierre a mis sa salle en vente, et qu'il compte se retirer dans sa cambrousse pour s'y faire oublier. Puis on s'expédie en cœur le p'tit café dans sa culotte typiquement français, et c'est l'heure d'envoyer les troupes au combat ! La Belette s'en va frictionner ses ruskoffs, le Rital va faire connaissance avec Marie-Ca, le grand retourne à son ordinateur, les vioques à leurs paperasses, et moi… Ben, je vais jouer au commissaire : attendre les résultats dans mon bureau en me grattant les joyeuses.

En fait, je pense qu'il serait souhaitable que je profite de cette après-midi de calme pour me rédiger un petit tableau synoptique de toute cette affaire. Pourquoi vous me dites "c'est pas faux" ? C'est "synoptique" que vous ne comprenez pas ? Qu'est-ce que vous croyez ? on n'a pas que C,R et S comme lettres, dans la police ! Et ne comptez pas sur moi pour vous mâcher le boulot. Si vous en voulez un, de tableau synoptique, vous vous débrouillez pour le faire. Je mets donc à profit mes quelques heures de liberté pour reprendre l'ensemble des éléments depuis le début. Et une fois que c'est fait, ben… J'ai comme le sentiment qu'un truc ne colle pas. Depuis l'enlèvement de la Belette, j'ai l'impression d'entendre sinon une autre partition, au moins une nouvelle exécution. Déjà, l'enlèvement d'Isabelle m'étonne. Nous avons affaire à un psychopathe qui aime torturer et tuer, mais qui cherche par tous les moyens à NE PAS être considéré comme un tueur en série, sans doute pour pouvoir poursuivre son petit manège. Admettons que notre attaque dans les journaux l'ait chatouillé sous les aisselles, qu'il n'aime pas ça, et qu'il ait voulu nous prouver qu'il était le plus fort. Mais recommencer moins d'une semaine après… Si c'est le même type, il accélère le rythme. Ou alors, vexé par le précédent échec, il veut nous prouver qu'il est le meilleur, puisque nous ne sommes même pas capables de protéger nos familles… On a peut-être une chance que, dans la précipitation, il ait oublié un détail, cette fois. J'hésite à poursuivre le jeu engagé avec les journaux. Le pousser à bout peut l'entrainer à faire une connerie qui nous permettrait de le coincer, mais ça risque aussi de remplir les frigos de l'administration, et je n'y tiens pas trop. D'autant que mes tentatives d'hier soir pour inciter Maud à prendre des vacances loin de Paris se sont avérées vaines. Or je n'ai absolument aucune envie de partager l'expérience de mon boss en matière d'horreur. Tiens, quand on parle du loup… Il vient de m'envoyer un email par lequel il m'informe que dès que le permis d'inhumer aura été accordé, il descendra en Corse enterrer son épouse dans la plus stricte intimité, ni fleurs ni couronnes même de la part des collègues, etc, etc. Suite à la cérémonie, il restera passer quelques jours dans l'ile dans sa famille, avant de reprendre du service. Bon. Soyons positifs. Nous venons d'économiser une couronne, et de gagner huit jours de paix. C'est mieux qu'un coup de pied au cul, non ?

Et c'est la Belette qui gagne la course des lieutenants, en réintégrant la grande maison la première, nantie, j'en suis persuadé, de renseignements intéressants. Elle s'assied sur la chaise visiteur de mon bureau sans y avoir été invité. Faut que je me méfie, moi, cette gazelle commence à se sentir un peu trop à l'aise… Je note par ailleurs, simple déformation professionnelle, qu'elle est décoiffée, et qu'il manque deux boutons à son corsage. Répondant à mon interrogation muette, elle referme cette caverne qui laisse Ali baba en me piquant un trombone, et consent à expliquer :
-" Ces deux empaffés ont pris des cours de self-défense. Il a fallut que je m'énerve un peu. Mais bon, j'ai obtenu ce que je voulais."
Elle arbore, effectivement, un sourire satisfait en me présentant une chemise de papier contenant deux pauvres feuillets imprimés, juste comme le Rital nous rejoint avec son propre dossier. Il a l'air un peu chiffon, notre play-boy. Je demande des nouvelles de ma copine légiste. Romagne se gratte la gorge, et répond :
-" Elle va très bien. Elle m'a chargé de vous embrasser, mais… Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, je préfèrerai qu'on en reste au stade verbal, en ce domaine.
- Ce qu'elle n'a pas fait, elle, pas vrai ?
- Si vous racontez dans la maison qu'il a fallu que je lui roule un patin pour avoir votre fichu dossier, je ne vous adresse plus la parole !
- Un patin ! Woaw, sacrée Marie-Ca ! Elle t'a bien roulé, Rital, tu aurais pu négocier une bise sur la joue. Faut jamais lui donner tout ce qu'elle demande…

- Je ne lui ai PAS donné TOUT ce qu'elle a demandé !" rétorque notre italoche, tout rouge. La Belette éclate de rire tandis que je récupère le dossier de Romagne. Puis je fais signe à mes sbires qu'on file à la tanière rejoindre les vioques et Nigaud.